Par Olivier DUPLESSIX
La capitale chinoise est enveloppée sous un épais brouillard jaunâtre. Ces dernières années, Pékin souffre de la pollution liée à son industrie. Et depuis quelques jours, une tempête de sable accentue le phénomène. L’air y est devenu quasi irrespirable avec des seuils jamais atteints jusqu’ici…
Ces derniers jours, Pékin essuie une grosse tempête de sable. Le ciel de la capitale chinoise ressemble à un épais brouillard jaunâtre qui rend les déplacements difficiles. Ainsi, plus de 350 vols ont été annulés.
Six morts en Mongolie
Un phénomène connu mais qui ajouté à la pollution humaine produit un cocktail dangereux pour la santé et réduit la visibilité à quelques centaines de mètres. Les tempêtes de sable, en provenance du désert de Gobi, sont fréquentes au printemps dans le nord de la Chine, mais les Pékinois n’avaient pas été confrontés à un ciel aussi chargé depuis des années.
Une tempête qui a notamment provoqué le décès de six personnes en Mongolie, alors que 81 autres sont portées disparues, selon les autorités locales. La municipalité de Pékin, qui compte plus de 20 millions d’habitants, a suspendu toutes les activités sportives en extérieur dans les établissements scolaires et a conseillé aux personnes souffrant de problèmes respiratoires de ne pas sortir.
Conditions dantesques
Ces conditions météos dantesques ont ravivé de vieux souvenirs chez les habitants de la capitale. « Je me souviens que les tempêtes de sable d’il y a dix ans disparaissaient au bout d’une heure, confie Pan Xiaochuan à l’Agence France Presse (AFP), expert de la santé environnementale chinois. Mais j’ai bien peur que celle-ci ne parte pas avant la fin de la journée. »
Lundi matin, la plupart des habitants se sont toutefois rendus à leur travail, la tête bien emmitouflée, mais certains se protégeaient derrière des lunettes de protection, craignant pour leur santé. « J’ai l’impression que chaque respiration va m’apporter des problèmes pulmonaires », déclarait un habitant à l’agence de presse.
Bâtiments dissimulés dans la pollution
es bâtiments emblématiques de la ville étaient difficilement visibles, à l’image de la Cité interdite ou encore du siège de la télévision nationale, dont le sommet (234 mètres) disparaissait derrière un voile de brouillard. Sur le réseau social Weibo, le sujet était massivement discuté par les internautes. « Cette tempête de sable orangée prend des allures de fin du monde », estimait un utilisateur.
La qualité de l’air était jugée « dangereuse » par le site spécialisé aqicn.org. En début de matinée, le niveau des particules PM10 était près de vingt fois supérieur aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Celui des particules PM2,5, encore plus nocives, a dépassé 560, un niveau rarement atteint ces dernières années à Pékin.
L’indice de qualité de l’air en temps réel (IQA) de Pékin a eu un pic à 999, lundi en milieu d’après-midi, alors qu’au même moment Tokyo présentait un indice de 42, Sydney 17 et New York 26. Les voisins de Hong Kong et de Taiwan ont enregistré des lectures « modérées » avec 66 et 87.
Activités industrielles intenses
Les épisodes de pollution extrême se sont raréfiés ces dernières années dans la capitale chinoise, le combat contre l’air vicié étant devenu un enjeu majeur pour le pays, qui a annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2060.
Mais d’après Li Shuo, de Greenpeace Chine, les activités industrielles « intenses » des dernières semaines ont contribué à la détérioration de l’air dans la capitale chinoise, alors que les niveaux de production d’acier, de ciment et d’aluminium sont supérieurs à ceux observés avant l’épidémie de coronavirus.
Pour Pan Xiaochuan, l’expert en santé environnementale, le manque de précipitations observé ces derniers jours peut expliquer que la tempête était particulièrement chargée en sable. « Quand il n’y a pas d’humidité, la poussière tend à s’empiler. »
Changer de modèle ?
Le modèle industriel chinois a pour effet d’accroître de façon très préoccupante la qualité de l’air de toute la Chine qui occupe la 120e place du classement mondial des performances environnementales publié par l’« Environment performance index. » Un classement dominé par le Danemark, le Luxembourg, la Suisse, le Royaume-Uni… et la France.
Chaque hiver, l’« airpocalypse » et son nuage dense de particules fines menacent Pékin et plusieurs régions chinoises. Mais les effets de la pollution en Chine ne se limitent pas à l’Asie, les pluies acides générées par l’industrie chinoise seraient responsables d’un quart de la pollution aux sulfates de l’ouest des États-Unis.
Le rôle des arbres
Autre explication, la déforestation à grande échelle qui serait l’une des causes de ses tempêtes de poussière printanières. La Chine tente de reboiser et de restaurer l’écologie de la région afin de limiter la quantité de sable projetée dans la capitale.
Pékin a planté un « grand mur végétal » d’arbres pour piéger la poussière entrante et a essayé de créer des couloirs d’air qui canalisent le vent et permettent au sable et aux autres polluants de passer plus rapidement…